LA RÉSISTANCE DES SYMPTÔMES
ANTHROPOCÈNE, CRISTIAN LAIME
Cristian Laime, artiste bolivien contemporain internationalement reconnu et primé, s’interroge sur les activités humaines et leurs répercussions sur les écosystèmes de la planète. Dans un contexte de crise écologique globale, ces réflexions semblent d’une pertinence et d’une urgence aigües.
Depuis le plus jeune âge, il puise dans sa culture aymara pour trouver un lien avec la tradition et la nature qui le protège d’une société dévastatrice. Deux symboles se mêlent régulièrement dans son œuvre : la figure de la cholita, sa mère, aux habits garnis et colorés, et le plastique, emblème du consumérisme effréné. Ses peintures reflètent son désir de maintenir en vie l’héritage culturel bolivien, alors que ses personnages tantôt apprécient d'être enveloppés par la promesse du progrès, tantôt suffoquent devant l’excès.
Cristian Laime travaille de très grands formats à l’huile, qui ne laissent personne indifférent. Une exposition pour faire une parenthèse dans nos quotidiens bousculés et réfléchir à notre propre responsabilité dans le changement climatique.
Cristian Laime (La Paz, 1988) se forme à l'Académie Nationale des Beaux-arts "Hernando Siles", puis aux Beaux-Arts de l'UPEA (El Alto). Son travail est régulièrement exposé dans des musées et galeries au rayonnement international, notamment à la Triennale d'art latino-américain de New York, au musée Tambo Quirquincho, au Musée National d'art, ainsi qu'à la galerie de l'Alliance française de La Paz. Il a également reçu plusieurs prix, dont le LXVI Concurso de artes plásticas Salón Pedro Domingo Murillo gestión 2018 et le Premio Plurinacional Eduardo Abaroa.
Anthropocène, l'art de vivre sur une planète endommagée
Depuis le cœur de l'Amérique du Sud, l'artiste bolivien Cristian Laime peint à partir du plastique omniprésent qui coule dans notre sang, en réfléchissant au lien entre la Pachamama, qui dans le monde andin représente la terre mère, pourvoyeuse de toute vie sur la planète, personnifiée dans la tendresse de sa mère (Amalia) et son ample jupe de chola paceña, porteuse de séduction et survivante de mille naufrages, face à l'esthétique toxique du nylon synthétique, né de la main de l'homme, qui enveloppe aujourd'hui le globe couche par couche.
Alors que les forêts de l'Amazonie brûlent et que le dégel fait fondre la neige des montagnes andines, Laime se manifeste à travers son art et l'angoisse de ceux qui voient Wayna Potosí, Illimani et Mururata perdre année après année leur beau manteau blanc, patrimoine et identité des habitants des villes des hauts plateaux de La Paz et d'El Alto.
Cette crise climatique, environnementale et civilisationnelle découle d'une promesse et d'un concept de développement qui n'ont jamais pu être atteints et qui ont été détournés vers l'idolâtrie de la science positive et de la technologie anthropocentrique, qui sape, à son tour, les aspects fondamentaux de tout ce qui englobe le sens de la vie sur terre : le monde naturel et spirituel se traduit par la division de l'âme et de l'esprit humains.
Cette réflexion fait référence à ce qui, dans le monde andin-aymara non occidental, est considéré comme le yañak uywaña ou le renforcement mutuel des arts, qui, face à l'histoire coloniale, compte unir ce qui n'aurait jamais dû être séparé : raison-sentiments, sujet-objet, homme-nature. De même, l'amra yarachh uywaña soigne, sauvegarde et protège la culture de l'esprit, du corps humain, de l'animal-multi espèce et de la terre-nature en tant qu'unité indissoluble et interconnectée qui pense, ressent, agit et crée.
En ce sens, l'Anthropocène, enraciné dans les logiques du capital, ne représente pas seulement l'espèce humaine comme une force géologique sur terre, mais aussi comme une attaque biologique multipolaire qui nous enferme dans une agonie organique qu'il est devenu impossible de cacher.
C'est dans cette impossibilité qu'est née la nécessité de cette exposition qui propose un voyage à travers le prisme de l'inconscient humain dans un langage pictural frais et rénovateur qui vient égayer l'hiver glacial de Paris.
Israel Aceituno Bustillos